dimanche 10 septembre 2017

Petit précis des sous-vêtements Belle Epoque

Suite à mon dernier article, je me suis dit qu'il serait bon que je vous parle un peu des sous-vêtements de la Belle Epoque et plus particulièrement des premières années du XXe siècle.
Evidemment, c'est très généraliste et il y a toujours de petites variations. Je présente les éléments dans l'ordre dans lequel je les porte mais je sais que le sujet est soumis à débat. C'est ce qui marche pour moi!

1. La chemise

Elle est en tissu relativement fin mais au tissage assez dense pour résister aux lavages. Elle sert d'interface entre le corps et le corset, elle va donc absorber la transpiration, et les frottements.
Plus ou moins décolletée ou ornée de dentelle, selon les goûts et les circonstances. On en trouve encore beaucoup dans les brocantes (parfois appelée nuisettes, chemises de nuit!), mais se sont bien des chemises de jour.
Modèle de chemise pour robe décolletée (c'est à dire du soir, de bal), La Mode Illustrée, 1901.

La chemise est un peu ample mais pas trop (il faut éviter le tissu qui ferait trop de plis, ça ne serait pas confortable). Elle arrive environ sous le genou.

La toilette d’une Parisienne, 1900-1910. © Léon et Lévy  Roger-Viollet

2. Le pantalon
Appelé aujourd'hui culotte. Il peut être ouvert (fendu) ou fermé à l'entrejambe. Je sais que j'entre dans le débat "porté dessus ou dessous" le corset. En ce qui me concerne, je le porte dessous à cause des jarretelles et de mes bas qui montent assez haut. Si la culotte es fermée, il vaut mieux la porter sur le corset sans jarretelles, sinon, vous ne pourrez pas aller aux toilettes!

Un pantalon conservé au Métropolitan Museum of Art

Une série de carte d'époque évoquant les différentes sortes de pantalon, de façon humoristique.

Ils peuvent être plus ou moins larges, ornés de dentelle et de rubans. Leur longueur varie également un peu, mais pas plus long qu'aux genoux.
On en trouve également en brocante. Truly Victorian a édité un patron mais je pense que d'autres sont trouvables.

3. Le corset

Au début du XXe siècle, la forme du corset a changé: il étrangle moins la taille et la forme typique n'est plus le X (vu de face) mais le S (vu de profil). Sa forme fait qu'il soutient la poitrine sans trop la remonter vers le haut (certaines formes de corset finissent juste à mi poitrine), et met les hanches et la "croupe" en valeur. Il est sensé aussi accentuer la courbure des reins. 
J'avais un peu peur de porter une telle forme de corset, ayant des problèmes de dos dus à une lordose lombaire naturelle trop importante. Ceci dit, en m'allongeant pour commencer à serrer le corset et ainsi réduire les pincements intervertébraux, je n'ai pas eu de problème, le corset me soutenant bien et m'étirant la colonne vers le haut.

Quelques images, mais je vous engage à faire vos propres recherches, la littérature à ce sujet étant très importante.
Corset et porte jarretelles séparé, 1905 Hillwood Estate, Museum &Gardens

"Corset nouveau", La Mode Illustrée, 1906

Montage de publicités pour des corsets, Les Modes, 1902-1907, disponible en ligne sur Gallica.fr


Mon propre corset est fait avec une seule couche de coutil ancien, ruban et dentelle également anciens. Les baleines sont des baleines synthétiques, sauf les deux entourant les oeillets du dos. Un petit truc est de réduire uniquement votre tour de taille sur le corset, pas le tour de poitrine et le tour de hanches. Si vous vous demandez pourquoi, allez lire cet article de Cathy Hay (et passez au point suivant!).

Construction des coulisses pour les baleines.

Mon corset, avant l'ajout des jarretelles.

Carte postale ancienne "olé-olé" montrant un corset court, appelé aujourd'hui serre-taille. Ils sont plus tardifs ou plutôt destinés à des activités sportives.

4. Les artifices de silhouettes

Si Dame Nature ne vous a pas doté d'une taille très fine par rapport à votre poitrine et vos hanches (que ça soit aussi bien parce que vous avez du ventre comme moi ou au contraire que vous n'ayez pas beaucoup d'atouts), bonne nouvelle: vous pouvez tricher!
Au lieu d'essayer de vous réduire la taille (bon, il faut un peu avec le corset quand même, hein!), vous pouvez jouer sur l'illusion d'optique.
Pour cela, il y a ce que je ne peux qu'appeler en français des faux-seins, n'ayant pas encore trouvé leur appellation en français! Autrement dit, les "bust improver" en anglais. Celui que j'ai fait est basé sur le patron de Wearing History, qui a repris un modèle conservé au Museum of Fine Arts de Boston. Je le porte sur la photo plus haut. Je ne le porte pas systématiquement, mais je préfère le porter sous la chemise. Je l'enfile une fois le corset enfilé mais pas encore serré.

Bust improver, Museum of Fine Arts, Boston.

Pour la "croupe", il existait également des petits culs matelassés. J'ai réalisé le mien suivant les photos trouvées. Je le porte sur le corset car sinon le lien me blesse la taille une fois le corset serré.
Exemple de cul rembourrés, collection Anton Priymak.
Mes réalisations:


Bust improver d'après le patron de Wearing History

Faux cul

Je ne les porte pas systématiquement, cela  dépend des tenues. Ayant perdu du poids depuis le début de ma robe de grand soir, je les ai portés avec elle-ci. Disons qu'ils permettent de créer la bonne silhouette ET de pallier aux légères variations de poids.

Il est également bon de savoir que certains corsets étaient directement garnis à l'intérieur pour donner encore plus l'illusion.

5. Le cache-corset

Le cache-corset, comme son nom l'indique a pour but de cacher le corset, surtout si vous portez une blouse claire, car le corset peut être de couleur foncée,. Fait de même matière que la chemise, il est orné de dentelles et rubans. Il est plus ou moins échancré.
Il a également pour but de soutenir le corsage en amorçant la gorge de pigeon, typique des premières années du XXe siècle.

Belles dames en jupon et cache-corset, recueil Maciet, Bibliothèque des Arts Décoratifs.


6. Le jupon
En ce qui me concerne, je préfère porter le jupon sur le cache corset, mais c'est comme il vous plait.
Le jupon a globalement une forme s'évasant à partir du genou, parfois avec un volant à la forme et d'autres rangées de volants, dentelle, etc. Il doit par contre être moulant au niveau des hanches.
Il peut être fait de matières très variées: baptiste de coton, organdi de coton, taffetas de soie, sergé de laine, etc.

J'en ai deux: un en coton orné de broderies anglaises pour l'été et un en taffetas de soie écossaise pour l'hiver ou pour ma robe de grand soir.

Voici quelques notes que j'ai prises en lisant les articles de La Mode Illustrée (années 1901-1902, 1905 et 1906): son ampleur est de 2m à 2m20 à l'ourlet. Pour une toilette parée, il touche le ras du sol, pour une toilette non parée, il arrive à 10 cm du sol. Ils sont fait avec un volant à la forme (c'est à dire que le haut du volant n'est pas froncé). Il est orné en plus de trois petits volants, le premier faisant 1.5 fois la largeur du jupon, les autres faisant 2 et 3 fois la largeur.
Il est à noter que la revue recommande de réutiliser certaines jupes anciennes, démodées ou abîmées comme jupon. Esprit pratique!

Quelques images:



 Jupons de La Mode Illustrée, 1905 et 1906



Jupons de La Mode Illustrée, 1905

Jupons de la Mode Illustrée, 1905

Jupons de Mode Palace
Jupon en taffetas moiré, trouvé sur ebay.

Jupon en coton rayé rose, passé en vente sur Internet. Notez l’œillet sur le haut, fait pour recevoir une agrafe cousue au corset. ceci afin que le jupon ne bouge pas.
Jupon en coton rayé rose, passé en vente sur Internet. Notez l’œillet sur le haut, fait pour recevoir une agrafe cousue au corset. ceci afin que le jupon ne bouge pas.

Jupon de mariage orné de dentelles


La toilette d’une Parisienne, 1900-1910. © Léon et Lévy  Roger-Viollet: à gauche la dame a enlevé son cache-corset que l'on voit encore à sa taille; à droite elle est en chemise, corset et jupon.

A noter, deux pages internet: 
     - le blog de Callisto: qui a gentillement mis en ligne le cours de coupe de "La Femme chez elle" de 1900-1901, consacré à la chemise, au pantalon, et au jupon. Vous y trouverez également des patrons à agrandir! :-)
     - le blog de Atelier Nostalgia: Myrthe, une Néerlandaise qui fait de super costumes et qui a notamment étudié la silhouette Belle Epoque, avec photographies comparatives à l'appui. Par contre, je vous conseille de faire vos propres essais, chaque silhouette étant différente.

Et pour finir, encore quelques images:

La Mode Illustrée, 1901: chemise de jour, pantalon et chemise de nuit

La Mode Illustrée, 1905, Linge d'été: chemise, chemise de nuit et pantalon

La Mode Illustrée, 1906, Chemise, cache-corset et pantalon

La Mode Illustrée, 1906, combinaison (à mi chemin entre la chemise et  le pantalon)


mardi 5 septembre 2017

Robe de grand soir 1905

Pour notre weekend annuel "Downton-sur-Mer", je voulais compléter ma garde-robe Belle Epoque avec une robe du soir. J'ai donc, comme d'habitude, amassé beaucoup d'images avant de débuter, pour savoir où j'allais. J'avais envie d'une robe du soir noire, avec des blingblings brillants. Pour cela, voir mon tableau Pinterest.

Portrait deMrs. V (Mrs. Herman Duryea) par John White Alexander, vers 1900; robe du soir vers 1900; Recueil Maciet, 1900, Bibliothèque des Arts décoratifs; robe du soir ,1909, Ulster Museum

Je suis tombée par hasard sur un tissu, mélange de soie, laine et un truc-synthétique-qui-brille qui visuellement fait très bien la blague, rappelant les robes sequinées. Je suis également retombée (je pense que l'image gisait quelque part au fond de mon cerveau) sur cette image:

Maria Pavlovna Demidova, par Nicolaï Bodganov-Belsky, Musée de l'Hermitage.


Ca a été le coup de foudre! En étudiant la robe, je me suis rendue compte que c'était une robe de coupe princesse, c'est-à-dire qu'elle n'a pas de couture à la taille. J'ai cherché un patron, que j'ai trouvé dans la revue La Mode Illustrée de 1907. Toutefois, j'ai du modifier le patron car il s'agissait en fait d'une robe d'intérieur, avec un col montant et des manches longues. L'ampleur de la robe est de 6m à l'ourlet, avec une petite traîne. 
Robe princesse en drap, La Mode Illustrée, Dimanche 13 octobre 1907

Pour plus de raffinement, la robe est doublée entièrement de taffetas rose, comme celui des fleurs. Elle possède une balayeuse sur la partie noire, plus un volant et une balayeuse sur la doublure.

En haut, la balayeuse de la robe, en bas, le volant rajouté sur la doublure.

Tout ça fait que la robe est bien lourde et tire dans le dos, mais cela évite que la robe ne baille devant (chose dont je me suis rendue compte assise). Chaque pièce a été surfilée et cousue à la machine. Les finitions sont faites main, notamment l'ourlet et la pose de la décoration. La robe se ferme dans le dos pas des agrafes et un bouton pression tout en haut.

Vue de l'intérieur: bande de taille en sergé, agrafes.

Le devant est orné de perles de jais et applications anciennes. Les épaules sont décorées de perles modernes en verre noir.

Le devant orné d'applications en jais et soutache anciennes.

J'ai porté la robe avec mon corset en S, dit droit devant, un jupon en taffetas de soie tout froufroutant, un "bust improver" de chez Wearing History, un petit cul matelassé, des gants vintage longs et des plumets d'autruche. Par contre, j'ai fait l'impasse sur la chemise (vilaine fille) car celles que j'avais montaient trop haut. Je m'en doutais un peu, mais n'ai pas eu le temps de m'en faire une "de bal".

Je suis assez contente du résultat. Je suis un peu "au large" dans la robe (pour une fois!), mais je me dis que ce n'est pas plus mal, ça permettra les fluctuations!

Quelques photos en situation!